Né à le 11 avril 1909 à Garchisy dans la Nièvre de parents commerçants, cadet d’une fratrie de 4 enfants, il est scolarisé dans une institution catholique de Nevers, il aime le football, l’opérette et le théâtre et s’accommode du projet de ses parents pour lui : continuer le commerce.
Marié le 21 septembre 1936, il ouvre un commerce à Moulins le 2 novembre 1936. père d’une petite fille alors que la guerre contre l’Allemagne s’annonce, il aura deux enfants pendant l’occupation allemande.
Conscrit du 15 avril 1930 au 15 mai 1931, il est mobilisé le 2 septembre 1939 au 32ème RI à Cosne-sur-Loire et affecté à une section de mitrailleurs. Il est dirigé 15 jours après sur la Moselle (Loudrefing). Au cours d’un exercice, deux de ses doigts sont sectionnés, il subit une amputation à l’hôpital de Sarrebourg. Son état général s’aggrave, il est orienté vers l’hôpital militaire de Bourbonne-les-Bains où il se rétablit peu à peu pendant les mois d’octobre et de novembre 1939, puis fin novembre, renvoyé dans ses foyers pour achever sa convalescence, il reprend partiellement ses activités. Le service de Santé de la place de Moulins prolongera sa convalescence en attendant la décision de la commission de réforme de Clermont-Ferrand.
En mai 1940, il apprend la captivité de ses compagnons d’armes ; les lignes françaises sont enfoncées, les populations fuient devant l’armée Hitlérienne qui envahit le Nord de la France et arrive à Moulins le 18 juin 1940. Le 19 juin, l’armée d’occupation ordonne aux « hommes en âge de porter les armes » de se rendre au Marché Couvert de la Ville. Henri Dieu s’y rend prudemment et constate que ses citoyens sont enfermés. Il s’empresse de produire un certificat de convalescence auprès du capitaine de la Feldgendarmerie qui le déclare « prisonnier sur parole ». Convoqué à nouveau le 10 septembre dans la cour de la Kommandantur, il attend l’autobus de transfert pour l’Allemagne. Henri Dieu sort des rangs des soixante-dix prisonniers et invoque les accords de Genève sur les mutilés de guerre auprès de l’officier allemand qui le renvoie chez lui. En février 1941, conduit sous surveillance étroite à l’hôpital de Dijon pour vérification de son état de santé, le médecin français lui délivre un certificat de réforme contresigné par la hiérarchie allemande. Revenu à Moulins, muni du précieux papier, il demande à être reçu par Bischoff, commandant allemand de la Place de Moulins et obtient le lendemain copies de « ce papier » en double exemplaire, frappé du redouté cachet de la Kommandantur.
Ce sigle a valeur de sésame et lui facilitera ses allées et venues notamment entre Moulins et son quartier de la Rive gauche la Madeleine, séparés désormais par l’infranchissable ligne de démarcation.
La situation chaotique et douloureuse de la France et de ses compagnons l’afflige.
Il faut faire quelque chose …
Son premier contact, exceptionnel, en zone libre, a lieu dès septembre 1940, à la Madeleine où il se rend pour ravitailler son commerce.
Un officier d’aviation de l’armée d’armistice lui déclare qu’il est agent de liaison du Mouvement du Général Cochet, ce qui crée entre les deux hommes un lien immédiat.
Des rendez-vous hebdomadaires codifiés se poursuivront jusqu’en novembre 1941 date à laquelle ce mouvement sera décimé. Le général Cochet part pour Londres et Henri Dieu n’aura plus de contact jusqu’en mars 1942.
Il était entré en novembre 1941, à la Défense Passive diligentée par le capitaine des Pompiers de Moulins l’avait mis en contact avec un ancien retraité de l’armée demeurant à la Madeleine agent de liaison du réseau Confrérie Notre Dame du colonel Rémy, alors seule courroie de transmission pour Londres des renseignements qu’il compile. Il se heurtera un an plus tard à la cessation brutale de ce fonctionnement. En novembre 1942, le réseau C.N.D. est démantelé et les Allemands envahissent la zone libre. Il ne le sait pas encore, mais il est immatriculé au Bureau Central de Renseignement et Action Militaire à Londres le 1er août 1942, par le colonel Gastaldo qui « travaille » à La Madeleine, en zone libre. Chef du 2ème Bureau de l’Armée Secrète, Gastaldo deviendra un des adjoints du colonel Henri Gorce-Franklin du réseau Gallia au PC Central à Lyon.
De décembre 1942 à mai 1943, Henri Dieu n’a plus de contact avec les réseaux. Au cours d’une visite familiale à Nevers, il apprend que sa sœur vient d’héberger deux agents de renseignement. Rendez-vous est pris à Moulins. Il donne ses renseignements à ces agents qui ont commencé à travailler pour le réseau Gallia en juin 1943.
Après trois mois de « formation », de mises à l’épreuve, la qualité de sa collecte est telle qu’elle lui vaut, en septembre 1943, la visite « anonyme » du commandant de la région Centre du réseau de renseignement militaire Gallia. Il est aussitôt nommé au 1er novembre 1943, agent P1 matricule 65207 pseudo César, responsable du sous-secteur de Moulins. Il remet désormais ses renseignements à Montluçon, ville devenue le P.C. régional du réseau. Commence alors le travail structuré de la collecte, de l’acheminement dans le respect des consignes de la hiérarchie du B.C.R.A. et désormais hors de son contexte professionnel.
Henri Dieu crée un service composé de 12 agents homologués : un secrétaire, un dessinateur, un responsable SNCF, un responsable Atelier de chargement et poudrières, un responsable Poste, un responsable Administration/Police, un responsable sécurité, trois agents de pénétration des organismes allemands et deux agents de liaison.
Quatorze autres personnes apportent leurs concours occasionnels : renseignement, hébergement, boîtes aux lettres, caches d’armes et de documents, etc …
La rigueur de l’hiver 1943-44 et le durcissement de la répression nazie et vichyste ralentissent les activités, mais lui permettent néanmoins d’organiser un service pourvu d’informateurs bénévoles parfois rétribués, et d’hommes et femmes appartenant déjà à d’autres réseaux.
Le travail reprend début février 1944, nourri des renseignements donnés par une jeune femme éprise d’un officier allemand francophile. Ce service devient très compétent et l’affectation un temps pressentie d’un officier du B.C.R.A. sur le secteur, n’aura pas lieu.
A ses contacts « fonctionnels » se sont rajoutées des relations informelles avec Marie Bidault, assistante sociale, sœur de Georges Bidault né à Moulins et Président du C.N.R. après l’arrestation de Jean Moulin ainsi que de Maurice Tinland, avocat, responsable des M.U.R. Combat à Moulins, arrêté en janvier 1944, suspecté par la Gestapo d’être le chef, à Moulins, du réseau Gallia. Dans le cachot de la prison la Mal-Coiffée devenue totalement allemande, sous la torture Maître Tinland ne parlera pas.
Que ce soit pendants ses trajets en train, à bicyclette, lors des contrôles, Henri Dieu subit la moiteur de la peur et s’il entr’aperçoit les risques, c’est pour les écarter aussitôt. Il porte en permanence sa capsule de cyanure de potassium.
De mai à juin 1944, il crée avec ses amis Chanlon le secteur de Bourges. Il est nommé le 1er juin 1944 agent P2 matricule 65207 par le Commandant de la Région Peslin (Parmentier 65200) du réseau Gallia et doit assurer son service jusqu’à la fin décembre 1944. des bruits d’arrestations, en août 1944, entraînent la défection de la plupart de ses agents occasionnels.
Avant la Libération de Moulins, le 4 septembre 1944, Henri Dieu tente une intervention pour dissuader les maquisards d’entrer trop tôt dans Moulins alors que l’armée allemande, forte encore de 2 000 hommes, quitte les lieux.
Le soir du 6 septembre, à l’hôtel du Dauphin, les commandants Peslin et Schneider chef FFI de la Région Sud-Ouest lui confient une mission de reconnaissance dans les troupes allemandes en retraite, laquelle se solde sur le chemin du retour par son arrestation par des maquisards le prenant pour un espion allemand ; méprise sanctionnée le soir même par le commandant Schneider.
Le 13 septembre 1944, l’agent 65207 participe à l’enquête avec un commissaire du ministère de l’Intérieur et Madame Jean Zay sur les circonstances de la mort de Jean Zay. Le 18 septembre, il est chargé par le préfet Fleury de faire un rapport sur le camp d’internement de Tronçais, fermé deux mois plus tard par le ministère de l’Intérieur et tenu par des éléments incontrôlés de la Résistance ; il sera mis en joue par deux « maquisards » quand il tentera de savoir ce qui est advenu d’un groupe de guérilleros espagnols en forêt de Tronçais.
Ses dernières missions l’envoient plusieurs fois en Suisse fin 1944 …
Henri Dieu refuse les diverses propositions de postes qui lui sont faites au sein de la D.G.E.R. et retourne à son activité première de commerçant. Il participe à la vie de la municipalité pendant quelques années aux côtés de son ami Maître Tinland, devenu maire.
Fier de sa médaille de la Résistance remise dans la Cour d’honneur des Invalide à Paris et des félicitations du Général de Gaulle à Moulins, Henri Dieu s’obstinera à garder intacte la mémoire des faits qui ont ébranlé sa ville d’ordinaire si tranquille.
Mon père s’est éteint le 8 décembre 1993.
Henri DIEU était titulaire des :
– Médaille Militaire
Décret du 3 février 1960
– Médaille de la Résistance :
« Chef du sous-secteur de Moulins – résistant de la première heure – a su dans des circonstances difficiles faire partager à ses agents sa foi et sa confiance. A tenu à assurer de nombreuses missions difficiles et des reconnaissances dangereuses avec calme et courage. Précieux auxiliaire de son chef de région. »
Le 25 octobre 1944, Direction Générale des Etudes et Recherches. Paris le 16 juin 1945 – A. DIETHELM Ministre de la Guerre
« Résistant de longue date, courageux et désintéressé, a effectuer de nombreuses reconnaissances dans les localités tenues par l’ennemi et a assuré lui-même les liaisons les plus dangereuses. Très prudent. Plein d’une foi inaltérable qui sans ces-se maintien son ardeur. Payant de sa personne, calme, ayant du bon sens, totalement désintéressé. Exemple de patriote. A sacrifié son commerce à la Cause. A su prendre des initiatives, ne s’est jamais laissé abattre quelles qu’aient été les difficultés ; A, lors des événements d’août, assuré la permanence de la recherche du renseignement de jour comme de nuit. Est allé chercher personnellement le renseignement jusqu’au contact de l’ennemi. »
Appréciation de son chef, le Commandant PESLIN.
Médaille remise au cours d’une prise d’armes dans la Cour d’Honneur des Invalides à Paris le 23 mars 1946 par le Général de GAULLE – nommé officier à l’Etat-major FFI du département de l’Allier – signé le général DEJUSSIEU-PONCARRAL – Chef de l’Armée Secrète de la Région 6 « Centre » – Fondateur des Forces Françaises de l’Intérieur.
– Croix de guerre avec citation :
« Excellent agent qui a recherché les renseignements sans cesse au milieu des colonnes allemandes et les a fait parvenir à son chef, malgré les dangers et au prix de fatigues épuisantes. »
Le 14 octobre 1944 – P.C. F.F.I. – groupe Mobile du Sud-Ouest – Etat-major – Le colonel SCHNEIDER Commandant le Groupe Mobile du Sud-Ouest.
– Croix de guerre avec citation :
« Agent de la première heure d’un S.R., courageux et très dévoué. Négligeant totalement sa sécurité personnelle, a tenu à assurer lui-même les liaisons les plus périlleuses. A fait preuve lors de la Libération de sa région, d’un cran et d’un sang-froid admirables, n’hésitant pas à s’introduire dans les localités mêmes, tenues par l’ennemi. »
Paris le 23 mars 1945. Le Général JUIN – Chef d’Etat-Major de la Défense nationale.
– Croix du combattant volontaire 1939-1945
Paris le 25 mars 1970 – Michel DEBRE Ministre d’Etat chargé de la Défense Nationale
– Médaille de la Reconnaissance Française
Remise par le Commandant PESLIN – Chef de la Région « Centre » en novembre 1948.
– Médaille Commémorative 1939-1945 « Libération »
« Agent de renseignement d’un réseau de la France Combattante »
Paris le 20 juillet 1948 – Le chef du réseau Gallia H. GORCE-FRANKLIN
– Médaille de la France Libre
Le Chef du réseau Gallia – H. GORCE-FRANKLIN
Membre au bureau national de l’Amicale du réseau Gallia 1952
Président Départemental de la France Combattante du département de l’Allier.
Texte écrit par son fils (archives personnelles)
©Jacques DIEU
Présidentl de l’Amicale Mémoire du réseau GALLIA
Délégué départemental de la Fondation de la France Libre pour l’Allier