Centres d’Antennes d’émissions radio

LE RESEAU GALLIA 1943-1944 (extraits)

II – HISTORIQUE DU RESEAU GALLIA

La période Bertal (février-août 1943) : la mise en place du réseau

… aussi, malgré de lourdes pertes, le réseau GALLIA a atteint en juillet 1943 une dimension qui justifie qu’il dispose de ses propres liaisons.

Une des priorités d’Henri Gorce est d’établir cette liaison qui lui permettra d’acquérir une complète indépendance et également d’accomplir sa mission de centralisation et de transmission des renseignements recueillis par le SR des MUR, mission pour laquelle des liaisons directes et régulières avec Londres sont indispensables. Pour ses liaisons, Henri Gorce-Franklin dispose de deux moyens : la radio et les liaisons aériennes.

Le réseau doit organiser ses propres liaisons, mais tarde à acquérir sa pleine autonomie en la matière.

Les transmissions-radio et les opérations aériennes de GALLIA sont alors assurées par des réseaux spécialisés mis en place par le BCRA. Ces réseaux, très cloisonnés et animés par un personnel très compétent, présentent toutes les garanties de sécurité possibles dans un tel contexte. Néanmoins, la mission GALLIA ne peut être pleinement exécutée tant qu’elle dépend d’eux pour ses liaisons avec Londres. Les télégrammes du réseau sont transmis par le Centre d’Antennes Electre, dirigé par Jean Fleury alias Panier, qui était un des passagers de l’Hudson du 15 février 1943. Le courrier GALLIA, très volumineux bien qu’il soit tapé sur papier à cigarette, comprenant les informations moins urgentes ou intransmissibles par radio (plans notamment) est acheminé à Londres par le réseau d’opérations aériennes Ecarlate, dirigé par Félix Svagrovsky dit César, autre passager de l’Hudson. Il est à cette époque rebaptisé Vector.

Les courriers et télégrammes envoyés de France portent l’indicatif LIA, ceux envoyés d’Angleterre portent l’indicatif GAL. Le premier courrier LIA part pour Londres via Vector en mars 1943. A cette époque, ces deux réseaux, encore expérimentaux, sont uniques en leur genre et Electre en particulier centralise tout le trafic des réseaux de renseignement de zone sud, d’où un certain retard dans les transmissions, particulièrement dommageable pour les renseignements dits périssables.

Les liaisons-radio de GALLIA ont en théorie été mises au point à Londres par Henri Gorce et ses interlocuteurs de la section « R » du BCRA1. L’arrivée des premières radios était prévue pour mars 1943, mais en fait les liaisons ne commencent à se mettre en place qu’à l’été et les transmissions de GALLIA n’atteignent un niveau opérationnel acceptable qu’à l’automne suivant.

En effet, l’organisation matérielle et humaine de ces transmissions ne se fait pas avec l’efficacité prévue. Quand GALLIA reçoit ses premiers postes-radio en avril-mai 1943, il ne dispose pas des opérateurs capables de les utiliser, lesquels n’ont pas encore quitté Londres. Aussi, le réseau remet une partie de son matériel à Electre qui en manque et ne conserve que trois postes et deux plans de transmission2 qu’il a pour instructions de garder en réserve jusqu’au Jour J. De plus, le réseau ne reçoit pas tous les postes prévus, car certains sont détournés vers les réseaux « Action » qui sont alors prioritaires.

Aussi, quand le premier agent envoyé de Londres pour organiser les liaisons de GALLIA, Robert Galy dit Gers, âgé d’à peine 20 ans, arrive en juin, le réseau ne dispose encore d’aucun poste-radio. Vector livre finalement quatre postes en juillet, mais Gers, qui dans cette attente s’était pourtant rendu utile au niveau de la Centrale après les arrestations de juin, se montre par manque d’expérience incapable tant de prendre le contact avec Londres, et a fortiori d’organiser les transmissions du réseau ou de former des opérateurs ; que par conséquent de monter des opérations aériennes. Il est finalement rappelé à Londres.

Le BCRA envoie alors un nouvel agent, Pierre Fouet dit Cantal. C’est cette fois un résistant expérimenté qui a fait partie du réseau polonais F2 et a fait de la prison en Afrique du Nord vichyste. Fouet se montre bien plus compétent … mais les transmissions de GALLIA restent déficientes par manque de moyens. Il recrute néanmoins des équipes de protection pour les centres d’émission. Il réussit également à former une équipe chargée de gérer les opérations aériennes.

Les liaisons du réseau ne deviennent pleinement opérationnelles qu’au début de l’armée 1944 grâce à l’action d’un technicien et organisateur hors pair, Marcel Canard dit Henri.

D’une façon générale, c’est à l’automne 1943 que le réseau GALLIA entre dans une phase de restructuration qui va lui permettre de donner sa pleine mesure. Les deux artisans de cette réorganisation sont le chef de réseau Henri Gorce Franklin et son nouvel adjoint, le colonel Louis Gentil…

La période insurrectionnelle (mars-septembre 1944) : l’apogée de Gallia – Imperium

… en ce qui concerne le réseau Gallia proprement dit, de profondes modifications tant de sa structure que de ses tâches sont décidées. D’une part, le réseau doit, en vue des opérations de débarquement qui s’annoncent, autonomiser le plus possible ses régions, mettre en place ses Centres d’Antennes ainsi qu’un nouveau type d’organisation souple de renseignement sur un théâtre d’opérations, les Unités de Combat et de Renseignement (UCR).

Si les liaisons-radio des réseaux de renseignement connaissent une forte amélioration au cours du premier trimestre 1944, cela est largement dû aux Centres d’Antennes (C.A.). Ainsi, alors que le trafic-radio moyen des réseaux BCRA s’établit à 226 télégrammes par mois de janvier à juillet 1943, il ne cesse de se développer rapidement d’août 1943 à juillet 1944, et culmine en juin 1944 à 3587 télégrammes3.Le prototype du C.A. est le réseau Electre, créé à Lyon par Jean Fleury début 1943. Ce réseau centralise la transmission vers Londres des télégrammes de tous les réseaux SR de zone sud dépendant du BCRA. Cela permet de pallier les problèmes qu’un réseau comme Gallia rencontre dans la mise en place de ses propres transmissions.

Malgré les règles de sécurité très strictes édictées par Fleury, cette concentration était très dangereuse en raison de l’efficacité des services de repérage allemands. Fleury a alors l’idée de généraliser la formule Electre. Il s’adresse à Passy qui obtient du SOE un soutien logistique à la mise en place des C.A.. Le SOE parachute en peu de temps un matériel radio considérable en France. L’idée est non seulement d’accroître le trafic-radio, mais aussi de noyer les services de repérage allemands sous une masse d’opérateurs et de données à l’origine difficilement repérable grâce au système des plans de transmissions-radio.

Ce système ingénieux, mis au point par un adjoint de Fleury, Jean Roy, permet aux opérateurs d’échanger leurs fréquences et leurs indicatifs au sein de la zone d’émission à laquelle ils appartiennent, la France occupée étant divisée en trois zones. Ces plans permettent aux opérateurs de prendre contact avec la Centrale radio de leur choix, et ils disposent chacun de dix fréquences.

S’ajoute à ce système un ensemble de mesures de sécurité consistant notamment à installer les C.A. dans des campagnes isolées, sous la protection de Groupes de protection (GP) comme ceux constitués à partir du maquis du mont Ventoux par le réseau Gallia. Il est en outre interdit d’émettre plus de 30 minutes du même endroit avec le même quartz (fréquence), et d’émettre deux fois de suite du même endroit. Dans les déplacements, l’opérateur et son poste ne voyagent jamais ensemble. Postes et quartz (qui donnent les fréquences) voyagent également séparément. Dans la mesure du possible, les opérateurs se déplacent de cache en cache, où les attendent des postes-radio fixes.

Pour satisfaire aux besoins en personnel, de véritables écoles clandestines sont mises en place sur le sol français.

Inspecteur des transmissions des réseaux Action en juin 1943, Fleury met d’abord son système au service de ces réseaux, qui en ont il est vrai grand besoin, leur trafic étant alors complètement interrompu dans la région de Lyon suite à des arrestations. Cependant, les réseaux SR prennent là un retard qu’ils ne vont jamais complètement rattraper. En effet, si le recrutement du personnel des C.A. des réseaux SR débute dès octobre 1943, lorsque Fleury passe à la section « R », le matériel lui se fait attendre jusqu’au premier trimestre 1944.

En zone nord, la mission Greco dirigée par Stéphane Hessel assure la distribution des postes-radio. En zone sud, le réseau Gallia est chargé de superviser la mise en place de cinq Centres d’Antennes (il y en a en tout une vingtaine). Ils ne sont pas réservés à son usage exclusif, mais là aussi les contacts avec les C.A. sont cloisonnés. Chaque réseau dispose de sa boîte aux lettres. Les régions de Gallia, ainsi que les régions de ses sous-réseaux RPA /SR mil. et RP B Reims-Noël, communiquent directement avec le C.A. qui leur est le plus proche géographiquement.

Le maître d’œuvre de l’installation de ces C.A. est le chef des transmissions du réseau, Marcel Canard dit Henri, qui fait preuve d’un sens de l’organisation et d’une maîtrise technique remarquables. C’est un grand pas franchi vers l’autonomie des régions qui est, en vue du débarquement allié que chacun à cette époque attend avec impatience et nervosité, un des grands axes de l’évolution du réseau Gallia au printemps 1944. Cette autonomie des régions est encore accrue par le fait que les PC de région commencent à disposer de leurs moyens radio en propre. Ils envoient ainsi les renseignements les plus urgents à Londres par leurs propres moyens, en diffusent d’autres par l’intermédiaire des C.A., et continuent par ailleurs à envoyer à la Centrale leur courrier hebdomadaire qui part pour Londres par les opérations aériennes organisées par Pierre Fouet une à deux fois par mois, ou par « lune » selon le jargon en vigueur pour ce type d’opération. Cette autonomisation se fait cependant progressivement en fonction de l’arrivée des moyens nécessaires. En mars, seul le PC de Valence (région Sud-Est) fonctionne de cette façon.

Les Centres d’Antennes rattachés à Gallia sont au nombre de cinq.

Le premier C.A. opérationnel est le C.A. Bouleau du commandant Raynal, mais il est aussitôt détruit par une série d’arrestations, et rapidement reconstitué sous l’indicatif Bouleau Il et sous la direction du commandant Lévêque. Ce premier échec reste isolé, les C.A. ayant à subir très peu de coups durs tout au moins jusqu’au Jour J, et la rapide reconstitution du centre montre l’efficacité de ce type d’organisation ainsi que l’importance des moyens mis en oeuvre.

Le C.A. Bouleau II fonctionne avec 4 opérateurs-radio, 8 agents de liaison et 5 agents des Groupes de Protection (GP). Ces derniers ont souvent été formés au maquis Ventoux. Les émetteurs, quatre ou cinq par C.A., sont dissimulés dans des caches qui constituent autant de centres d’émission. Chaque équipe d’émission se compose en général de deux opérateurs-radio et d’un Groupe de protection (GP).

Le C.A. Cactus a son PC à Clermont-Ferrand et est dirigé par le capitaine Vibrac. Il compte 5 opérateurs-radio, 5 agents de liaison, et 2 Groupes de protection (GP).

Le plus important de tous est le C.A. Erable4. Il est placé sous l’autorité de Canard lui-même, les transmissions-radio de la Centrale ne justifiant plus vraiment l’emploi d’un technicien de sa compétence. Son PC est à Toulouse. Ses effectifs se composent de 8 opérateurs-radio, 4 agents de liaison et 7 Groupes de protection (GP). Canard étant arrivé tardivement à la tête du C.A., son développement accuse un retard d’un mois et il est prêt à fonctionner fin avril.

Le C.A. Sycomore fonctionne autour de Toulon (PC) sous la direction du lieutenant René Brissaud dit Léo, avec 5 opérateurs-radio, 5 agents de liaison et 5 Groupes de protection (GP). Il est opérationnel début mars. Enfin le C.A. Tuya a son PC à Limoges et compte 5 opérateurs-radio, 3 agents de liaison et 8 Groupes de protection (GP)5. Son matériel arrive en retard et il n’est pas prêt avant avril.

Mis à part Canard qui vient de la Centrale de Gallia, les chefs des C.A. sont en général des hommes recrutés à l’automne 1943. Ils viennent du Service Radioélectrique de Sécurité du Territoire, dissous après l’invasion de la zone libre. La cheville ouvrière de ce recrutement est le chef du S.R.S.T. de Toulouse, Aufrère. L’organisation des Centres d’Antennes et d’une façon plus générale l’afflux relatif de matériel radio qui en découle marquent une nette amélioration des liaisons du réseau Gallia avec le BCRA.

Cela permet aussi de mettre en oeuvre une réelle autonomie régionale sur le plan de la transmission du renseignement, autonomie qui est en place à partir d’avril 1944.

Ces évolutions marquent une profonde évolution du réseau Gallia en vue du Jour J. Ses agents ne doivent en effet pas cesser leur action le jour du débarquement et rejoindre les maquis, mais au contraire demeurer en place et poursuivre leur action SR sur les arrières des Allemands jusqu’à leur défaite en France. Les Alliés s’attendent en effet à des combats prolongés sur le sol français et cherchent en conséquence à assouplir les réseaux SR, à les rendre opérationnels dans des conditions de combat.

C’est pourquoi parallèlement aux C.A. sont organisées au printemps 1944 les Unités de Combat et de Renseignement (UCR)…

1 Cf. A.N. BCPA 50 réseau GALLIA-Imperium, télégrammes envoyés par le BCRA à GALLIA portant sur l’organisation radio et ses déficiences

2 Mise au point par un adjoint de Fleury nommé Jean Roy, la technique des plans de transmission permettait aux opérateurs de prendre contact avec leur centrale à l’heure de leur choix et ils disposaient pour cela de 10 fréquences.

3 Cf. note établie par Jean Fleury sur «les transmissions radio-électriques des réseaux de la France Combattante», dans les papiers Dufresne.

4 Cf. III C

5 Sources : Organigramme de Gallia publié dans le journal FFC n° 130, juin 1985.

Note de René Dufresne sur les Centres d’Antennes

Sources :

Le réseau GALLIA 1943 – 1944, (1994), Jean-Philippe MEYSSONNIER, DEA d’Histoire du XXe siècle, Cycle Supérieur d’Histoire du XXe siècle, Directeur de mémoire le Pr. Jean-Pierre AZEMA, Institut d’Etudes Politiques de Paris –

Mémoires du Colonel Henri GORCE-FRANKLIN, fondateur et chef du réseau GALLIA.