BARRAULT Jean-Pierre

BARRAULT Jean-Pierre né le 3 août 1924
Réseau GALLIA
BARRAULT Jean-Pierre

BARRAULT Jean-Pierre
Mon propre parcours.

Étant donné mon âge (16 ans en 1940), celui-ci ne fut pas aussi « méritant » que celui de mes frères et sœur ; cependant, compte tenu de la longue durée de guerre,
Jean Pierre BLOCH au fil des années d’occupation et de persécutions, l’esprit des Français et la constitution progressive des réseaux aidant, il me fut possible de participer de manière constructive au combat.

En bref : en 1940 et en 1941, au lycée Janson de Sailly, manifestation du 11 novembre 1940 à l’Arc de Triomphe, puis confection et distribution de tracts anti-allemands.
Octobre 1941, dispersion de la famille. Je me trouve pensionnaire sous un faux nom à l’Ecole Breguet de Paris.
Fin juillet 1942, départ définitif de paris, passage en fraude de la ligne de démarcation, installation provisoire à Lyon où la Résistance proliférait dans la zone dite « libre ».
En novembre 1942, ce fut l’occupation complète du territoire par les Allemands, à la suite du débarquement des alliés en Afrique du Nord, ce qui provoque une nouvelle dispersion de la famille.

Je me trouve tout d’abord en contact avec FUJP, puis enrôlé en août 1943 par le réseau GALLIA, grâce à mon frère aîné qui travaillait conjointement avec LAMBROSCHINI alias Nizier.
Agent P2, je fus affecté tout d’abord comme agent de liaison au PC Central de Lyon. Plusieurs mois durant,, j’ai effectué le relevé des boîtes aux lettres (B.A.L.), qui permettait la liaison avec tous les réseaux ou groupes de résistance sans distinction d’origine.
C’était une activité ultra-dangereuse ; la durée de vie n’était que de quelques mois, compte tenu des dénonciations et des surveillances de l’ennemi. On agissait au grand jour, au milieu d’une atmosphère soupçonneuse et le fait de visiter ces B.A.L. situées dans les entrées d’immeubles, de manière régulière, ne manquait pas de se faire repérer rapidement, malgré un renouvellement fréquent des localisations.
Ce réseau de liaisons, reconstitué après la catastrophe de la mi-1943, fonctionna jusqu’à la mi-mars 1944, date à laquelle les Allemands arrêtèrent nombre d’entre nous. Par chance j’en ai réchappé, me trouvant à ce moment à Paris, car en dehors de ma tâche lyonnaise, parisien de naissance, donc connaissant parfaitement bien la capitale (et son métro!!), j’assurais également tous les 15 jours environ une liaison entre les deux capitales. En effet, durant l’hiver 1943-1944, LAMBROSCHINI avait monté un service de renseignements à Montmartre, lieu de prédilection des officiers allemands au repos et de la mafia qui commençait à « retourner sa veste » en fonction des victoires alliées…

Début mai 1944, LAMBROSCHINI fut désigné par Londres pour reconstituer les maquis de Haute-Savoie, après le désastre du Plateau des Glières l’hiver précédent. Il partit donc pour Annecy avec mon frère et les autres membres du réseau.
Sur son ordre, je demeurais encore un mois à Lyon pour assurer d’ultimes liaisons avec des parachutistes fraîchement arrivés de Londres ou d’Alger et de certaines villes de province.
Je regagnai finalement Annecy le 2 juin 1944.

La nouvelle tactique et elle fit largement ses preuves, appliquée par LAMBROSCHINI était d’avoir un ou deux corps francs à effectif très restreint, destiné à distraire l’occupant de la reconstitution des maquis.
Ces corps francs avaient pour plan d’action d’agir dans des points différents, si possible éloignés des habitations pour éviter des représailles, et ensuite se replier instantanément ; d’ailleurs, compte tenu de notre faible nombre, de notre entraînement sommaire et de notre armement disparate, il ne pouvait être envisagé une bataille rangée … jusqu’au jour J qui, pour nous, fut le 15 août 1944.

LAMBROSCHINI m’affecta immédiatement au corps franc départemental, avec lequel j’ai participé à 23 actions devant l’ennemi, parmi lesquelles on pouvait compter 2 attaques de train pour isoler la Haute-Savoie, l’attaque de la caserne Galbert où nous pûmes libérer des résistants condamnés à mort, et faire une large provision d’armes, de guet-apens sur les routes autour de Cruzeilles (axe principal Annecy Genève), liquidation de tous les postes allemands tout au long de la frontière suisse le 15 août 1944, du pied du massif du Salève jusqu’à Bellegarde, puis avance progressive sur Nantua et Pont d’Ain, pour réaliser la liaison avec les troupes régulières de l’armée de De Lattre de Tassigny. J’avais alors vingt ans…

Fin novembre 1944, le Commandant Passy, sur la recommandation de LAMBROSCHINI, estima que la famille avait payé un prix suffisamment lourd et clôtura l’engagement que j’avais souscrit avec Londres.
Par la suite, l’armée nous fournit l’aide nécessaire à mes camarades parisiens et moi-même pour reprendre nos études et nous permettre une vie nouvelle, une fois la tourmente apaisée.

La Haute-Savoie et ses environs furent un des premiers territoires de la moitié sud de la France libérés par eux-mêmes : il est de fait qu’au 19 août 1944 au soir, les armées US et Françaises débarquées le 15 août 1944 à Saint Raphaël, se trouvaient encore très éloignées…

Ma famille
De lointaines origines alsaciennes et aussi loin que les archives et les souvenirs nous ont été transmis, chaque génération a dû payer un tribut plus ou moins lourd dans les conflits qui se sont succédés ces derniers siècles. Déjà, au dé-but du 19ème siècle, des aïeux se sont trouvés enrôlés dans les armées napoléoniennes, puis après le désastre du conflit de 1870 la partie de la famille encore implantée en Alsace a voulu quitter l’univers ancestral pour demeurer français.

Vient ce que l’on a qualifié à l’époque « la grande guerre », celle de 1914-1918, mon père (Jacques BLOCH-BARRAULT) y participa pleinement et fut blessé, heureusement sans avoir à subir de dures séquelles, à trois reprises, notamment lorsqu’il se trouva un temps affecté à la Division Marocaine ; le frère de ma mère, Jean LÉVI-STRAUSS, engagé volontaire très jeune, touché gravement à Verdun, ne s’en remit jamais complètement ; un cousin Asher, Pilote de chasse fut abattu en vol.
Mes parents eurent malgré tout 4 enfants : trois garçons : Jean-Louis (1912), Jean-Claude
(1917), Jean-Pierre (1924) et une fille Denise (1916).

Lorsque la guerre éclata en septembre 1939, une fois encore contre l’Allemagne, mon père (Officier de réserve) et mes deux frères, se retrouvèrent sous les drapeaux ; le premier à l’E.M. de la 9ème Armée général Corap, Jean-Louis en face de la Sarre, dans les corps- francs, Jean-Claude dans la ligne Maginot à Longuyon.
La débâcle de 1940 vit mon père et mon frère Jean-Louis prisonniers de guerre et in-ternés aussitôt en Allemagne ; Jean-Claude échappa à la captivité, car ayant contracté une grave affection pulmonaire, se trouvait dans un centre médico-militaire à Prats de Molot (Pyrénées-Orientales). Ma mère, ma sœur et moi-même, après avoir fui sur les routes jus-qu’à Bordeaux regagnâmes Paris dès que le trafic fut rétabli. C’est alors, malgré un avenir chargé de menaces d’autant plus graves que nous étions d’origine israélite, que ma mère, malgré les objurgations du reste de la famille, décida de rester coûte que coûte dans la capi-tale, en y voyant en toute logique, le seul moyen de renouer contact avec nos prisonniers et pouvoir éventuellement leur porter secours. Ma soeur et moi-même décidâmes de rester près d’elle. Cette décision, lourde de conséquences, entraîna chacun d’entre nous à pren-dre une part de plus en plus importante dans le conflit et en quelque sorte scella le destin de certains d’entre nous.

Nous demeurâmes dans la capitale jusqu’à fin juillet 1942 ; entre temps, miraculeusement, mon père avait été rapatrié en août 1941 à titre d’ancien combattant 1914-1918, dans le cadre d’un dernier geste (?) de l’occupant vis-à-vis du gouvernement de Vichy. De son côté, mon frère Jean-Louis s’était évadé et avait rejoint sa femme et son fils à Lyon…
Bien entendu, les deux premières années s’avérèrent mouvementées : l’on commença l’apprentissage de la vie souterraine (fausses identités, domiciles différents…) et d’un certain combat qui, forcément, pour nous, re-vêtait une forme peu virile (distribution de tracts et de la presse clandestine).

Fin juillet 1942, mes parents de leur côté, ma sœur et moi-même d’un autre, regagnèrent la zone encore « libre » après un passage mouvementé de la ligne de démarcation.
Dès lors, mes parents parvinrent à re-prendre, pour vivre, une petite activité à Lyon, sous nom d’emprunt (BARRAULT) bien évidemment, et ne furent plus directement inquiétés.
Voici un bref résumé des parcours de leurs 4 enfants :
1) Ma sœur Denise (Ambroise) entre alors en plein dans la Résis-tance avant de travailler pour les services britanniques : elle débute en participant à 100% dans le réseau « France au combat » comme agent de liaison et convoyeuse d’un opérateur radio an-glais (Hilaire, Georges Starr), puis son réseau
s’associe au réseau « Détective » dépendant de la section du SOE. Trahi, ce mouvement voit une série d’arrestations en novembre 1942 de tous les dirigeants, seuls Denise BLOCH et l’opérateur radio y échappent. Mais les services de répression française ne l’ignorent plus et la condamnent à 10 ans de travaux forcés par le tribunal de Lyon. Elle doit disparaître et réussit en avril 1943 à rejoindre la Grande-Bretagne, après un internement prolongé en Espagne. Aussitôt arrivée à Londres, elle se porte volontaire pour des missions des services secrets britanniques, en tant que Lieutenant des corps des FANY. ; elle reçoit pendant 10 mois une formation pour devenir elle-même opératrice radio ; après un premier échec de débarquement furtif en Bretagne, elle retourne en France, près d’Angers, avec Robert BENOIST, chargé de ranimer le réseau « Clergyman ».
Durant ses trois mois d’activité, elle envoie 31 messages et en reçoit 52. Entre temps, Robert BENOIST a récupéré des rescapés de « Chesnut », réseau détruit durant le démantèlement fin 1943 du réseau « Prosper ». Fin mai 1944, l’organisation mise en place en île de France est opérationnelle et de nombreux parachutages sont effectués pour armer la 2ème région FFI de Seine et Oise Sud. Ce surcroît d’activité ne passe pas inaperçu des services allemands qui finissent par les repérer, d’autant que le comportement d’un membre important du réseau se révèle plus que douteux. Mi-juin, les Allemands déclenchent la destruction du réseau que venait de reconstituer Robert BENOIST.

C’est ainsi, comme de nombreux autres opérateurs et opératrices du SOE, que la mission de Denise BLOCH ne dure que trois mois ; le 19 juin 1944, elle est arrêtée avec d’autres membres du réseau, dont Robert BENOIST. Après deux mois de détention à Fresnes, et « 84 Avenue Foch », elle est déportée en Allemagne, au camp de Ravensbrück où, après avoir subi de mauvais traitements, elle sera finalement abattue d’une balle dans la nuque en même temps que Violette SZABO et Lilian ROLFE, fin janvier 1945.

2) Mon frère, Jean-Claude, après sa démobili-sation et suivant le conseil de mes parents, reste en zone libre, subsistant en participant aux travaux agricoles. Courant 1943, fuyant les réquisitions de main d’œuvre pour l’Allemagne, il regagne Lyon,
puis le maquis du Haut Jura. Il participe à de nombreuses actions et c’est lors de l’une d’entre elles qu’il est abattu par une unité des GMR, dans les circonstances relatées par la citation qui lui a été conférée à titre posthume :
« Caporal Jean-Claude BLOCH – maquis du Haut Jura (Ain)
A été mortellement blessé le 15 mars 1944 à Mondeaux (Ain) au cous d’une attaque menée par les GMR. Transporté à l’hôpital d’Oyonnax, a re-fusé de donner son identité ni aucun renseigne-ment sur ses camarades. Est mort le 16 mars 1944 en déclarant : je n’ai pas voulu prendre la responsabilité de tirer le premier sur des Français ».

3) Mon frère Jean-Louis avait commencé avant-guerre une brillante carrière dans la création de la chaîne des Monoprix. Aussitôt après son évasion, les Galeries Lafayette l’avaient intégré dans une structure discrète d’approvisionnements situé dans un grand entrepôt de Lyon Vaise,